#030 A quoi sert... l'art...

Attention, nos chroniques ont des crocs n°030!

   Il est tard mais la question me brûle, je n'en dormirai pas. Même si je dois vous avouer que plus que toute autre de ces chroniques noctambulairement écloses, cette #030 devrait être développée sur plusieurs volumes... environ. Mais nous sommes dans une chronique, et donc, je ferai court ! (enfin... vous me connaissez...)

   Déjà, se poser la question "à quoi sert l'art ?" : c'est qu'on est mal barré ! En effet, l'on pourrait se dire que de par ce qui nous entoure quotidiennement, se demander "à quoi ça sert" sous-entend l'incompréhension de l'existence du sujet en question. Et donc, le désir de destruction de ce sujet. Car quel raccourci évident ne faisons-nous pas aujourd'hui "si ça ne sert à rien, ben on n'a qu'à le jeter !". Problème de l'art en général : l'effet qu'il produit n'est ni matériel, ni quantifiable, ni palpable, ni cumulable... bref, exagérerais-je en sur-enchérissant : ni monnayable ? Je parle bien de l'effet qu'il procure, et non du support (tel une sculpture de Rodin, un album du Mahavishnu Orchestra, le Don Quichotte de Cervantès, un slip de D'jaunie A L'idée,...). Il y a donc pour moi une certaine sournoiserie dans le ton de cette question, une malveillance même. Mais passons ce sentiment et tentons une approche.

  Premièrement, qu'est-ce qu'un service ? C'est là que cela se corse... Pour que quelque chose serve à quelqu'un (ou à une cause), cette personne doit en éprouver le besoin. J'ai besoin de sucre, mon voisin me rendra service en m'en donnant un peu. J'ai besoin de me déplacer pour aller travailler, je dois me servir d'une voiture (dont je passerai les trois quarts de mon salaire en essence et divers entretiens, dûs principalement au fait de m'en servir pour aller... travailler ?!). Il faut donc éprouver le besoin d'un "objet" pour que celui-ci vienne à nous "servir". Comme j'ai pu l'écrire 98 mots plus tôt (avouez que vous êtes tentés de compter !) "c'est là que cela se corse..." Car oui, j'ose dire que malgré une éducation, un certain sens de la critique ou une aptitude à rêver en toute circonstance : personne n'éprouve le besoin de l'art ! Devrais-je donc conclure que l'art ne sert à rien ? J'ai pas trop envie... Explications. Et ce sera le deuxièmement !

   L'art ne s'impose pas comme un besoin. Ni un "besoin primaire" (manger, dormir...), ni un "besoin de circonstance" (besoin d'une voiture, besoin d'apprendre,...). L'art ne répond pas à une attente vitale ou de circonstance. Il est autre chose, bien plus complexe. Avouez (oui je sais, je vous fais beaucoup avouer...) que le rapport entre "j'ai besoin de boire un coup" donc "je me sers d'un verre" est basique. Il n'est pas nécessaire de réfléchir des heures aux liens de cause à effet qui réside dans ces mécanismes quasi-automatiques. Pour l'art, c'est autre chose; l'art dans toutes ses formes nous amène quelque part. Ce n'est pas nous qui imposons les paramètres, qui décidons de la cause (du besoin) et de l'effet (on se sert de quelque chose pour y arriver). L'art devient lui-même la cause de l'effet qu'il produit en nous. D'une certaine manière donc, l'art se sert de nous. C'est tout à fait ça : l'art se sert de nous. Il nous utilise pour exister, pour prendre forme. Nous sommes à son service en tant que "spectateur". Lorsque l'artiste crée, a-t-il cette idée en tête ? L'idée que l'existence de sa création ne dépendra que de l'effet qu'elle aura sur ses spectateurs ? Probablement que oui s'il est un véritable "artiste".

   Ce qui nous gêne dans la question "à quoi sert l'art ?", c'est donc qu'en fait, c'est nous qui le servons, et pas l'inverse. Il nous met dans une position inhabituelle pour nous, nous qui sommes la race supérieure, dominatrice, parasitaire et très maligne. Il nous met dans cette position où nous ne pouvons plus être "passifs" ni "basiques", nous sommes obligés de repenser notre condition. Et par ce changement de référentiel, finalement, l'art nous sert. Il nous sert à nous interroger, à prendre de la distance, à nous exprimer, à penser. Il n'y a pas de pensées dans un "je me sers d'une pelle car j'ai besoin de creuser", mais face aux bassins de nénuphars de Monet, tout s'ouvre, le monde éclate en nous.

   Face à l'oeuvre, personne n'aurait idée de se demander "à quoi ça sert ce tableau ?"

   En clair, la question "à quoi ça sert, l'art ?" est réservée aux discussions de comptoir, aux inintéressantes, aux placards étroits, aux bas de plafond, aux haut de plancher, aux intellectualisations inutiles (dont j'avoue - à mon tour - que cette chronique peut en faire partie). Car en présence d'une oeuvre d'art (picturale, musicale, théâtrale ou autre), on est bien loin de se poser la question. On se réfugie dans nos pensées, simplement. Et on voyage... 

NOUVEAU : Le Grand Jeu de Nos Chroniques ont des Crocs

1/ Comptez le nombre de mots que comporte cette Chronique #030.

2/ Ôtez du total le nombre de mots que comporte cette Chronique #030 ne comprenant pas de "e".

3/ Ôtez du nombre ainsi trouvé en étape "2" le nombre de mots que comporte cette Chronique #030 comprenant un ou plusieurs "e".

4/ Multipliez le nombre ainsi trouvé en étape "3" par l'âge du capitaine...

5/... et vous saurez de quelle couleur est le cheval !

DE FORMIDABLES CADEAUX ATTENDENT TOUS LES GAGNANTS DE CET EXTRAORDINAIRE JEU

(lots : une croûte de Picasso, des gribouillages de Léonard de Vinci, une sculpture en papier maché de H.R. Giger, un brouillon de Descartes et des chaussettes de Djaunie A L'Idée)